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La valorisation d'une scène musicale alternative, lanceuse d'alerte en même temps
que d'émotions refondatrices, fait partie des missions que s'est donné le nouveau
tiers-lieu culturel inclassable "La Maison Mémérou". Mais le 21/06/2025 pouvait-elle
être une date convenable pour y fêter "la musique" comme partout ailleurs et comme
si de rien n'était ? Sans doute non ... sauf si c'était l'occasion d'une rencontre avec
une artiste qui n'aurait jamais voulu chanter ailleurs ce jour-là mais aurait néanmoins
quelque chose à nous dire, d'ici, sur les bruits de guerre qui nous servent de fond
sonore banalisateur de la cruauté post-moderne.


Chems Amrouche ayant accepté notre invitation à poser son témoignage artistique
sur le drame palestinien emblématique de notre crise civilisationnelle, il ne nous
restait plus qu'à profiter de cette occasion pour dire qui nous voulons être et
comment nous souhaitons résister ensemble.


Prise de parole de Michel-Marie avant le concert de Chems le 21 juin 2025,


Je voudrais juste et rapidement parcourir ici la chaîne
signifiante qui nous a amené à évoquer durant la fête de la musique 2025 le
génocide en cours à Gaza. La maison Mémérou est fille du covid. Durant le premier
confinement nous avons éprouvé un besoin quasi irrépressible d'interroger le monde
sur ce que nous vivions collectivement. Et, aubaine inconcevable encore deux jours
auparavant, nous en avions le temps !
Et cela précisément a été le carburant de cette grande révolution dans nos vies : le
temps !
On avait bien une fibre écologique et on a donc naturellement commencé par ça. On
savait pour la 6 ème extinction massive du vivant. Les limites planétaires qui se
dépassaient toujours plus vite et l’inaction de nos politiques publiques. On a épuisé
les Thinkerview disponibles sur le sujet et dévoré les vidéos de Vincent Mignerot,
Claire Nouvian, Camille Étienne ou Laurent Testot... Mais rapidement force nous a
été de constater qu'aborder l'écologie sans le secours des sciences sociales relève
du jardinage.
Alors on y est allé - franchement - dans une interrogation plus systémique de ce qui
nous arrive.
Il faut bien dire que l'actualité nous a vite submergés . Avec les Gilets jaunes, on a
senti dans notre chair le mépris par la classe bourgeoise dominante pour tous "ceux
qui ne sont rien" et qui se permettaient pourtant de risquer de ralentir la seule vraie
vertu cardinale que reconnaisse le capitalisme : la croissance .
On a appris :
- que les yeux crevés, les mains arrachées, les morts... étaient une façon
convenable d'endiguer les mouvements sociaux
- qu'il était acceptable de nous inviter à rédiger de pleins cahiers de doléances pour
les enterrer ensuite dans une cave de sous préfecture sans aucun traitement et
d'organiser à grand renfort de mise en scène enfin une "Convention citoyenne"
prometteuse sans lui donner le début d'un commencement d'outil pour aboutir.
- Que le gendarme responsable de la mort du petit Nahel pouvait recevoir un
chèque d'encouragement de quelques 1,6 millions euros bien que jugé pour
meurtre...
- que la Brav-M pouvait jeter dans le coma des enfants militants écologistes pour
défendre la politique délétère de la FNSEA (et son modèle d'agriculture
productiviste) qui se moque éhontément de l'écologie et de l'intérêt général.
- qu'outre atlantique Trump, personnage étonnamment méprisable qui se targue
publiquement de, je cite : « de tenir les femmes par la chatte » emporte les élections
présidentielles et installe fissa le capital (le plus totalitaire et le plus prédateur) à la
tête du pays le plus puissant du monde
- que la corruption généralisée de la classe politique de Fillon, le Pen, à Perdriau ou
Alexis Kolher ne pose problème qu’à une justice de gauche... On comprend vite
que tout ce petite monde n'est pas corrompu mais est la corruption même.
- que BHL ait pu se permettre de dire tranquillement " Si Israël bafoue le droit
international alors il faut le changer".
- Que dire aussi du mépris du verdict des urnes dans la dernière législative ?
- De Betharram ?
- De la banalisation de l’extrême droite dans la droite dite républicaine ?
- D’un Ciotti et tous ceux qui remercient Benyamin Netanyahu de
faire le sale boulot à notre place.
L’inventaire n’est pas ici épuisé...
Alors voilà :
On finit par comprendre l'état du monde et le formuler ainsi :
L'hégémonie bourgeoise, occidentale, blanche, remise en cause par son échec
écologique et social, a choisi la fuite en avant impérialiste et ravageuse pour ses
contestataires. Elle sape aujourd'hui le droit commun, le droit international, les
bases de toute morale et solidarité, convoque l'extrême droite pour l’aider à
s’affranchir de toute tentative de remise en cause de sa suprématie.
Face à sa propre incurie, son incapacité à endiguer ses pulsions les plus
hégémoniques, égoïstes, délétères et nous proposer enfin un avenir désirable, cette
fiction politique dominante – le capitalisme rentier, en cours de fascisation, un peu
comme dans les années 30, sort à nouveau son joker, comme dans un comique de
répétition, elle sort du chapeau le bouc émissaire idoine sensé cristalliser toute
notre hargne à son endroit et détourner ainsi nos regards.
Dans les années 30 c’était le Juif qui jouait ce rôle à merveille, aujourd’hui c’est
« l’arabe » qu’importe le signifiant si grâce à lui la cause unique des effondrements
systémiques de cette civilisation néolibérale, pourtant si prévisible, trouve à travers
lui une issue de secours ? Car c'est bien de ça dont il s’agit - trouver une issue de
secours face à un effondrement inéluctable.
Alors Gaza dans tout ça :
Gaza n’est rien d’autre que l’épiphanie de cette navrante imposture... Et pour ne
rien assumer de ce qui lui est imputable, l’hégémonie ira jusqu’au bout de l’abjection
comme l'ont déjà fait les oligarchies occidentales qui ont contribué à la Shoah ; elles
ont juste trouvé un nouveau bouc émissaire...
Plus l’évidence de son naufrage sera criante, plus elle cherchera à étouffer les
critiques dans un bain de sang toujours plus effroyable. L’effroi justement est bien
son unique stratégie.
Je vais m’arrêter là car c’est un jour de fête de partage et de culture et que nous
sommes là ensemble, réunis dans nos différences de classes, de races, de cultures
et de religions pour affirmer encore une fois que rien ni personne ne nous fera plier
genoux devant les passions tristes.

Michel-Marie

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